Olympia
1863
"Olympia" - 1863 - Musée d'Orsay

Manet fut le nouveau maître des futurs impressionnistes après les scandales du Déjeuner et d'Olympia (1863)...

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DEBUSSY - Estampes, La soirée dans Grenade (1903)

 
 
 

Edouard MANET

Le Maître des impressionnistes

 

Edouard MANET naît dans une famille aisée et raffinée de magistrats du côté de son père et de diplomates du côté de sa mère. Après avoir échoué au concours de l'ecole Navale, il part en 1848 comme pilotin sur un navire-école vers Rio.

De retour en France, son père consent à ce qu'il se consacre à la peinture vers laquelle il s'était très jeune senti attiré. Il lui impose de suivre une solide formation aux Beaux-Arts dans l'Atelier du peintre Thomas COUTURE, où il devait rester six années, et pour lequel il gardera toute sa vie une certaine estime, quoiqu'ayant souffert de sa méthode d'enseignement qui exigeait "idéal et impersonnalité".

"Je peins ce que je vois, et non ce qu'il plaît aux autres de voir" avait coutume d'opposer à la doctrine académique Edouard MANET, qui entendait revendiquer sa propre subjectivité et l'importance de la vision du peintre par rapport aux règles admises.

 


Autoportrait à la palette
1879

Collection privée

Il n'en demeure pas moins que MANET accordera toujours une grande valeur à l'héritage humaniste de la peinture génératrice de contenus et au travail pictural sur des thèmes de l'art ancien, ce qui, quelque part, le rapproche de COROT, considéré comme le représentant d'une peinture éclectique et historique.

UN ACADEMISME NOUVELLE MANIERE


Le buveur d'absinthe
1858

Ny Carlsberg-Glyptotek,
Copenhague, Danemark

 

 

Les oeuvres de jeunesse de Manet se rapprochent des peintures hollandaise et surtout espagnole du XVIIième.

Manet qui effectua de nombreux voyages en Europe pour y étudier les grands maîtres de la peinture devait être particulièrement influencé par les oeuvres du néerlandais Frans Hals et des espagnols Diego Velasquez et Francisco Jose de Goya.

Sa première soumission au Salon en 1859, "Le buveur d'absinthe", à la résonance espagnole alors à la mode - l'impératrice Eugénie était d'origine espagnole -, fut refusée, malgré l'avis favorable de Delacroix, pour le motif essentiel que MANET utilisait une configuration picturale traditionnelle (le portrait de plein pied) pour représenter un être marginal et socialement discrédité.

Thomas Couture devait condamner ce tableau en disant : "Peint-t-on quelque chose d'aussi laid? Mon pauvre ami, il n'y a ici qu'un buveur d'absinthe, c'est le peintre qui a produit cette insanité..."

Manet avait trouvé un mode de création qui caractérisera l'essentiel de sa future production : combiner des configurations picturales traditionnelles et leurs valeurs expressives avec la réalité contemporaine. Ainsi, bien avant l'impressionnisme proprement dit, Manet pose les termes de la polémique artistique à venir : révolte individuelle contre les conventions académiques, moyens picturaux mis au service de sujets contemporains nouveaux...

Au début des années 60, Manet, à la manière d'un flâneur, parcourt sans relâche Paris, qui changeait alors de jour en jour, pour en déceler les caractéristiques les plus subtiles, les transformations, dessinant dans son carnet "un rien, un profil, un chapeau, en un mot une impression fugitive".

Manet fut accepté au Salon en 1861 avec un autre tableau plus complaisant de la mode espagnole de la même facture que "Lola de Valence" (1862).

 

LES PREMICES DE L'IMPRESSIONNISME

 

En revanche "La Musique aux Tuileries" (1862), tableau résultant d'une des flâneries de Manet, de facture légère et ouverte, sans composition centralisante, qu'il présenta à une exposition personnelle à la galerie Martinet fut accueilli négativement, car contredisant la conception établie de la nécessité d'une forme picturale aboutie.

On peut pourtant y décéler, de par son sujet, sa composition et sa facture, l'une des voies de l'Impressionnisme qui allait apparaître quelques années plus tard.

 


La musique aux Tuileries
1862

National Gallery, Londres

En 1863, il exposa "Le Bain" qui sera renommé en "Déjeuner sur l'herbe" (musée d'Orsay, Paris) au Salon des refusés, nouveau lieu d'exposition inauguré par Napoléon III accueillant, à la demande des artistes, les œuvres rejetées au Salon officiel.



Le déjeuner sur l'herbe
1863

Musée d'Orsay, Paris

 

La toile de Manet représentait une scène de la bohème parisienne s'accordant peu avec la morale puritaine de l'époque : dans un décor champêtre près d'une rivière, une jeune femme, au sortir d'un bain, est assise nue, ses vêtements posés à côté d'elle, entourée par deux hommes en costume assis pour un pique-nique.

Là encore, Manet transpose dans une scène contemporaine des citations académiques avec une modernité extraordinairement féconde, là où certains, à l'époque, ne virent que leur utilisation pour manque d'invention formelle de la part de l'artiste.

Ce tableau attira immédiatement l'attention du public et fut l'objet de violents sarcasmes. Il sera violemment attaqué par les critiques, provoquant un scandale particulier au coeur même du scandale général que constitua le Salon des Refusés.

Salué par de nombreux jeunes peintres qui admiraient en lui un novateur conscient de ses effets, Manet se trouva, un peu contre son gré, au centre d'une dispute opposant les défenseurs de l'art académique aux artistes « refusés ».

Manet, qui avait une ambition de réussite bourgeoise, devait souffrir toute sa vie de ce que sa peinture, portée par une grande intuition artistique, ne lui vaille qu'une notoriété sulfureuse, mais point de reconnaissance officielle.

 

En 1864, le Salon officiel accepta deux de ses tableaux, et, en 1865, il y exposa Olympia" (1863, musée d'Orsay, Paris), un nu inspiré de la Vénus d'Urbino de Titien qui provoqua un scandale encore plus grand que "Le déjeuner sur l'herbe".

Là encore, Manet citant un classique représente celle qui est censée être une divinité de la Renaissance faisant référence à l'Antiquité, comme la fille de luxe parisienne qui avait servi de modèle (Victorine Meurent), avec un réalisme si fidèle et si peu en rapport avec les voiles de l'idéologie du Second Empire, qu'il souleva des vagues de protestations au sein des cercles académiques.

Manet qui avait conscience d'avoir réussi là quelque chose d'important conservera ce tableau jusqu'à sa mort, et Claude Monet, après la mort de Manet organisera une collecte pour éviter que la veuve de Manet, alors en difficulté financière, ne le vende à un américain. "Olympia" rentrera au Louvre en 1893.

 



 
Olympia
1863

Photographié au Musée d'Orsay, Paris


LE CHEF DE FILE DE LA NOUVELLE ECOLE

A partir de 1866, Émile Zola, qui allait devenir son ami, prit fait et cause dans l'Evènement pour l'art de Manet et la nouvelle conception artistique qu'il désignait sous le nom de "Naturalisme".

Pendant la seconde moitié des années 1860, Manet devint le peintre le plus respecté d'un groupe d'artistes, d'écrivains et d'amateurs d'art qui se rencontraient au Café Guerbois, rue des Batignolles. Le peintre Fantin-Latour, après son "Hommage à Delacroix", peindra "Un atelier aux Batignolles" (1870) où Manet occupe cette fois la place du maître vénéré devant un cercle au sein duquel figurent Zola, Astruc, Renoir, Monet et Bazille.

Si les jeunes peintres qui allaient être le noyau de l'impressionnisme, Edgar Degas , Claude Monet , Auguste Renoir , Alfred Sisley , Camille Pissarro et Paul Cézanne , subirent l'influence de Manet, ceux-ci devaient par la suite en retour influencer son art, le rendant plus sensible aux jeux de lumière. Il faut voir en Manet plutôt qu'un représentant à part entière de l'impressionnisme, un puissant inspirateur de celui-ci

Manet devait encore peindre dans cette décennie plusieurs chefs-d-oeuvre, comme "Le fifre" (1866) - qui fut refusé au Salon -, "La lecture" (1865-73), "Le repos" (1870). 

 

MANET SOUTIENT LES IMPRESSIONNISTES

Manet dont les convictions étaient républicaines s'engagea dans la Garde Nationale lors de la guerre de 1870 et vécut la Commune à Paris.

Sous l'influence de ses élèves, Berthe Morisot et Eva Gonzalès, et de ses amis impressionnistes, Manet allait expérimenter la peinture de figures en lumière naturelle dans des toiles comme "Le chemin de fer, Gare Saint-Lazare" 1872-73 ou "Sur la plage" 1873.

En 1874, l'artiste choisit de ne pas participer à la première exposition impressionniste. Il devait par la suite continuerà exposer régulièrement au Salon où sa notoriété ne cessera de s'affirmer.

Pendant l'été 1874, Manet rendant visite à Monet et sa famille installés à Argenteuil s'ouvrit à l'impressionnisme et la peinture en plein air. Il y peint "La famille Monet au jardin" , "Claude Monet et sa femme dans son studio flottant", "Argenteuil".

Manet allait désormais adhérer totalement à l'Impressionnisme et soutenir particulièrement Monet, achetant à son insu des toiles qu'il bradait 100 francs pièce, ou cherchant à gagner le critique Wolff à l'art de Monet et de ses amis.

En 1877, Manet devait encore provoquer les critiques avec "Nana", représentation grandeur nature d'une jeune femme, en jupons et corsage, en train de se poudrer en présence d'un homme qui l'attend, qui fut refusé au Salon.

Manet connaîtra tardivement la reconnaissance officielle à laquelle il aspirait : il deviendra en 1881 un "hors concours" du Salon en obtenant une médaille avec "Le portrait de Mr Pertuisait" , et sera nommé Chevalier de la Légion d'honneur, sur proposition de son ami A. Proust, devenu ministre des Beaux-Arts.


Un bar aux Folies-Bergère
vers 1881-82

Courtauld Institute Galleries
Londres

 

En 1882, il y fut présent pour la dernière fois avec Un bar aux Folies-Bergère (Courtauld Institute Galleries, Londres), l'une de ses œuvres les plus célèbres.

Manet y donne une nouvelle fois une démonstration de son art, brillant par une interprétation impassible et objective d' une scène de la société dans laquelle il vit - une serveuse au regard vide et absent ne participant que par sa beauté extérieure aux éclats de ce palais du plaisir -, une composition en plusieurs plans spatiaux - résultant du miroir situé derrière la serveuse -, des qualités de peintre de natures mortes - le réalisme des bouteilles , des fruits, des fleurs... -, les tonalités opposant la dure froideur des éclairages à l'atmosphère enfumée du bar rendue par des couleurs atténuées.

Il mourut à Paris le 30 avril 1883, laissant une œuvre importante, comprenant plus de quatre cents peintures à l'huile, des pastels et de nombreuses aquarelles.


Chronologie

1832

Naît à Paris le 23 janvier dans une famille aisée de fonctionnaires et d'officiers. Son père est directeur au Ministère de la Justice.
Edouard reçoit une bonne éducation et grandit dans une atmosphère raffinée

1844

Entre au College Rollin. Rencontre Antonin Proust.

1848

Echoue au Concours d'entrée à l'Ecole Navale, part à Rio sur un navire école

1849

Séjourne 2 ans à Rio, puis retourne à Paris.

1850

Rentre à l'Ecole des Beaux-Arts
Suit des cours dans l'Atelier de Thomas Couture et fait des copies au Louvre.

1852

A un fils, Léon, de Suzanne Leenhoff, un professeur de piano hollandais, qu'il n'épousera qu'en 1863
Officiellement, son fils Léon-Edouard Leenhoff, qui lui servira de modèle en maintes occasions, était présenté comme le petit frère de Suzanne et le filleul de Manet

1853

Voyage à travers l'Europe, en Hollande, en Allemagne, en Italie, où il visite les grands musées

1855

Rencontre Delacroix dans son atelier à Notre Dame.

1856

Quitte l'Atelier de Couture pour créer le sien
Visite le Rijksmuseum à Amsterdam.

1857

Rencontre Fantin-Latour au Louvre. Voyage en Italie.

1858

Rencontre Charles Baudelaire.

1859

'Le buveur d'absinthe' est refusé au Salon.
Déménage dans un nouvel atelier

1860

Emménage avec Suzanne et Léon dans un appartement aux Batignolles.
Devient un habitué du Cafe Guerbois.

1861

Expose pour la 1ère fois au Salon avec Portrait de Mr.et Mme. Manet et Le chanteur espagnol qui reçoit une mention honorable
Fait la connaissance de Degas

1862

Mort du père de Manet.
Manet peint Musique aux Tuileries et rencontre Victorine Meurent, qui servira de modèle au "Déjeuner sur l'herbe" et à "Olympia".

1863

Expose Déjeuner sur l'Herbe au Salon des Refusés.
Manet épouse Suzanne en Hollande

1864

Expose Episode de corrrida au Salon.

1865

Olympia cause un scandale au Salon.
Voyage en Espagne

1866

Le fifre et L'acteur tragique sont refusés au Salon.
Fait la connaissance de Cézanne et Monet.

1867

Tient une exposition majeure en marge de l'Exposition Universelle.
Peint la première version de L'Exécution de l'Empereur Maximilien .

1868

Fait la connaissance de Berthe Morisot.
Peint le Portrait de Emile Zola .

1869

Eva Gonzales devient sa pupille et modèle.
Expose Le Balcon au Salon, mais la version finale de L'Execution de l'Empereur Maximilien est refusée

1870

Guerre Franco-Prussienne . Manet rejoint la Garde Nationale.

1871

Est à Paris pendant la Commune de Paris.

1872 Voyage en Hollande

1873

Le Bon Bock est exposé au Salon.
Rencontre Stéphane Mallarmé.

1874

Décline la proposition de participer à la 1ère exposition des Impressionistes.
Son frère Eugène Manet épouse Berthe Morisot.
Passe l'été à peindre avec Monet à Argenteuil

1875

Expose La Seine à Argenteuil au Salon.
Voyage à Venise.

1876

Peint le Portrait de Stéphane Mallarmé.

1877

Nana est refusé au Salon.

1878

Peint Autoportait à la calotte.

1880

Portrait d'Antonin Proust est exposé au Salon.

1881

Antonin Proust devient Ministre de la Culture. Manet reçoit la Légion d'Honneur

1882

Sa santé se détériore .
Un Bar aux Folies-Bergère est exposé au Salon .

1883

Amputation de la jambe gauche le 19 Avril . Meurt le 30 Avril

1893

Olympia rentre au Musée du Louvre.



 


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